Pour la création d’un statut des modèles vivant en France
La Secrétaire Générale du SNPEFP-CGT interpelle la Ministre de la Culture.
Madame la Ministre,
Nous tenons à vous alerter sur la profession des modèles vivants liée à l’enseignement artistique en France depuis 4 siècles.
Nos précédents courriers du 5 novembre 2020 et du 10 avril 2021, restés sans réponse de votre part, vous informaient du sort ingrat réservé à toute une profession. La présente lettre se veut un rappel de l’urgence d’une situation dramatique pour ces salariés de la culture dans notre pays.
Nous avons sollicité le ministère de l’enseignement supérieur, le ministère du travail, le ministère de l’éducation nationale… en vain.
Nous revenons vers vous, Madame la Ministre, pour dénoncer les conditions de travail et de rémunération inacceptables des modèles d’art posant à l’ENSBA — École nationale supérieure des beaux-arts — Institution qui relève directement du Ministère de la Culture.
Nous dénonçons un tarif anormalement bas à l’ENSBA qui paie ses modèles sur la base de 17€ brut de l’heure. La valeur des modèles, y officiant, n’est pas reconnue à la hauteur de leurs compétences. Nous rappelons que dans l’enseignement privé indépendant les modèles appartiennent à la catégorie « agent de maîtrise et technicien ».
Pour mémoire, sans modèles vivants, les écoles d’art ne pourraient pas dispenser un enseignement formant à des diplômes hautement qualifiés. Il s’agit là d’une discipline fondamentale.
Nous évoquons cette école prestigieuse qui dispense un enseignement de haute qualité et dont la réputation est reconnue à travers les cinq continents (de nombreux artistes venant du monde entier sont formés dans cette institution). Comment les modèles intervenant de cette école peuvent-ils se retrouver discrédités car sous-payés ?
Les modèles travaillent dans les secteurs d’emploi de l’animation culturelle et des loisirs mais surtout et en priorité pour l’Enseignement supérieur public et privé, des établissements de l’Éducation Nationale et de la Culture. Ce sont des salariés multi-employeurs, payés à l’heure, cumulant une multitude de vacations ou de CDD d’usage, ce qui fragilise fortement leurs droits et acquis sociaux.
Le modèle est une personne physique qui pose, le plus souvent nue, généralement dans le cadre de cours de morphologie et d’anatomie artistique. Les modèles sont employés en France depuis 1648 à l’Académie Royale de Peinture et de Sculpture (ancien nom de l’Académie des Beaux-Arts).
La transmission de ce métier séculaire est une valeur du patrimoine culturel français.
Cette profession ne peut se ranger dans la catégorie « fourre-tout » de la Culture. Les modèles vivants font partie intégrante du savoir-faire français qui s’exporte à travers le monde et fait la fierté de la France dans le domaine des arts et de la création graphique. La France est le 3ème pays au monde pour l’exportation de jeux vidéo et de film d’animation. Les créateurs de ces secteurs ont fait leurs premières armes dans des écoles où les modèles vivants ont participé à la construction de leurs compétences d’exception.
Depuis des décennies, les modèles sollicitent auprès des différents ministères un entretien pour évoquer leurs conditions de travail à la vue de leur grande précarité. Ils ne sont pas entendus.
Un grand nombre de modèles quittent le métier, pas encadrés, pas respectés. Ils se sentent à juste titre abandonnés par leur ministère de tutelle.
Sans une intervention de votre part, la communauté nationale se privera les valeurs culturelles qui font des modèles des acteurs incontestables de l’enseignement de l’Histoire de l’art.
Depuis 18 mois, durant la période Covid, les modèles ont connu :
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- L’enregistrement par vidéo et la captation d’images exposant la nudité à la violation du droit à l’image (non-respect du RGPD, non-respect du droit à l’intimité de la personne humaine) ;
- Le chantage d’employeurs peu scrupuleux qui pour certains les ont exposés comme des objets ;
- Le non-respect de l’éthique professionnelle ;
- Des atteintes graves à la déontologie de leur métier.
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De par leur nudité et leur vulnérabilité, les modèles se retrouvent surexposés aux technologies modernes et virtuelles et ce sans protection spécifique de leur intimité… trop de modèles en ont fait les frais. Aujourd’hui, ils quittent le métier.
Les modèles sans statut sont assimilés aux parents « pauvres » du mannequinat. Il est à noter que la définition légale des modèles vivants / mannequins est incompatible avec la réalité de ces 2 métiers si différents. Les mannequins exercent un métier d’image tandis que les modèles dispensent un métier d’enseignement et de formation artistique. De ce fait, la fiche métier 11-02 « Mannequinat et pose artistique » est inadaptée aux modèles.
Seul un statut propre à leur profession « spécifique » leur permettra d’obtenir une grille de salaire, des dispositions conventionnelles adaptées, une protection de leur santé, des droits à la protection sociale et des revenus de remplacement dans les périodes d’inactivité professionnelle.
À titre d’exemple, nous nous interrogeons sur la raison pour laquelle la pénibilité des poses n’est pas reconnue dans un métier où les troubles musculo-squelettiques sont quotidiens. Comment comprendre la notion « d’ancienneté » lorsqu’un modèle travaille plus de 20 ans pour le même employeur ? L’absence de prise en compte de l’expérience acquise n’est pas acceptable.
Que peut faire le ministère de la culture pour protéger ses modèles ?
Nous vous joignons un courrier que le député Monsieur André Chassaigne avait envoyé au précédent ministre la culture en mai 2020. Là encore, courrier resté sans réponse.
2000 modèles vivants en France – Environ 400 employeurs.
Entendez-nous Madame la Ministre ! Nous vous demandons de travailler sur le statut des modèles vivants en y associant le Conseil National des professions des Arts Visuels.
Nous vous remercions de prendre en considération notre urgence et d’intervenir au plus vite pour protéger un métier noble de la culture artistique française.
Dans l’attente d’un entretien, nous vous prions d’agréer, Madame Roselyne Bachelot, Ministre de la culture et de la communication, l’expression de nos sentiments distingués.
Pour le SNPEFP-CGT, Christine Fourage, Secrétaire Générale.