Auto-entrepreneurs : faites valoir vos droits !

Du neuf pour les auto-entrepreneurs.

Dans nos secteurs de l’Enseignement et la Formation privés, nombre de patrons « embauchent » des auto-entrepreneurs pour échapper aux obligations liées au personnel salarié … Un patron sans salariés c’est le jackpot : c’en est fini de l’application des conventions collectives, de l’organisation des élections professionnelles, plus de congés de maladie, de congés payés à gérer, le pied ! Pas de doute, sauf que la requalification de ces contrats illicites en contrats de travail avance !

« Info en direct de Grande Bretagne : le 28 octobre dernier, 19 chauffeurs Uber sont reconnus comme salariés ; 40 000 de leurs collègues pourraient entamer une procédure similaire dans ce pays ».

En France, les ex-livreurs de TEE (Take Eat Easy), se mobilisent avec la CGT pour la requalification d’un contrat commercial en contrat de travail

Depuis la fermeture soudaine, en juillet, de la plateforme de restauration à laquelle ils collaboraient, ces « indépendants » n’ont toujours pas récupéré les sommes qui leur restent dues (de 450 à 45 000€ !). En effet, leur statut d’auto-entrepreneur ne les place pas en tête de la liste des créanciers à rembourser par le mandataire nommé depuis la liquidation judiciaire de TEE, comme c’est la règle pour les salariés.  Quatre d’entre eux ont décidé de se pourvoir en justice contre l’entreprise et son liquidateur. Six autres dossiers prud’homaux devraient suivre. Il y a plus d’un mois, « ces patrons malgré eux » ont frappé à la porte de la CGT Commerce. Trimant en plein air, avec un téléphone pour seul bureau, les coursiers se retrouvent rarement entre quatre murs, encore moins dans ceux d’un syndicat.

À nos camarades coursiers auto-entrepreneurs et à leur avocat Gilles JOUREAU, de démontrer leur lien de subordination à l’entreprise TEE pour laquelle ils travaillaient comme « salariés déguisés ».

Il faudra d’abord que le Conseil des prud’hommes (CPH) se déclare « compétent » ce que ne manquera pas de contester TEE, car les contrats signés sont des contrats commerciaux, dont les litiges sont de la compétence du Tribunal de Commerce et non du CPH qui traite des conflits entre salariés et employeurs. Mais, les dossiers prennent forme :
— TEE pouvait sanctionner le livreur en mettant fin au contrat signé de façon unilatérale pour des fautes professionnelles : défaut de casque, refus d’une commande à livrer ou de port de la tenue imposée. Autant d’indices utiles aux juges qui devront se prononcer sur le statut réel de ces livreurs. Autre élément, les tarifs imposés alors qu’un véritable indépendant négocie ses prix et édite ses factures. Le lien salarial peut apparaître à plusieurs niveaux : un commerçant n’a pas à recevoir de directives. À TEE, il existe un système organisé de dépendance économique : du matin au soir (on se croirait dans une école privée avec les plannings hebdomadaires) sont communiqués aux livreurs les prises de rendez-vous et le chemin à emprunter. Et surtout la facturation échappe à l’auto-entrepreneur avec des paramètres inconnus. Il y a une obligation de résultats avec une pression qui s’exerce sur l’intermédiaire, le livreur, pour que le client final soit satisfait. (Article de l’Humanité quotidienne du 18 novembre 2016)

DELIVEROO dans le collimateur de l’Inspection du travail

« La DIRECCTE a procédé, à Nantes, au contrôle des contrats des « bikers » Deliveroo (livraison de repas à vélo). Des PV pour travail dissimulé ont été dressés : la tenue, une période d’essai, le mode de rémunération, les sanctions éventuelles sont autant d’éléments qui pourraient permettre d’établir une relation de subordination. Les contrôles devraient se tenir dans d’autres villes. Rappels de salaires et redressements Urssaf en vue ».  (Article de l’Humanité dimanche du 17/11/2016).

Dans notre champ d’intervention (organismes de formation privés et Enseignement privé)

Pour combattre cette arnaque qui spolie les travailleurs « ubérisés » des droits élémentaires (encore) attachés à tout salarié de ce pays, contactez-nous une démarche coordonnée pour une action collective devant le CPH peut être menée ici en France. En effet, si à chaque personne correspond un dossier, plusieurs pièces peuvent constituer un dossier de base utilisable par tous. Même si le recours en justice n’est pas une fin en soi c’est un premier moyen de mettre hors la loi ce type de recours à l’auto-entreprenariat et de récupérer ses droits de salariés et des dommages et intérêts pour la durée de son engagement « commercial » au regard de la Convention collective applicable. Dans notre champ professionnel, un premier procès a été gagné* dans une École supérieure qui avait proposé de « devenir auto-entrepreneurs » à des professeurs en CDI de longue date. Depuis que cette pratique patronale se développe dans l’Enseignement et la Formation privés, nous avons décidé de syndiquer les « auto-entrepreneurs », les salariés déguisés de note secteur. Et, nous sommes prêts à faire progresser la jurisprudence à leur avantage en nous portant, partie intervenante, aux côtés de ceux qui souhaiteraient entamer une procédure devant le CPH.   

Attention, car dans nos champs, ce sont aussi parfois les intervenants eux-mêmes qui souhaitent avoir le statut d’auto-entrepreneur.  Et parmi ceux-là, certains (encore une minorité) en font d’ailleurs un « business », connaissant parfaitement leurs droits, et attaquant systématiquement l’entreprise à la fin du contrat. Ces intervenants, tout comme les employeurs qui imposent ce faux statut d’auto-entrepreneur, mettent en danger nos entreprises, nos emplois, et nos salaires : dommages et intérêts versés aux personnes qui contestent devant le CPH, régularisations par l’URSSAF dues à des versements amoindris qui fragilisent nos organismes sociaux, non augmentation des salaires suite aux frais engagés, …

Les représentants du personnel doivent donc être vigilants et refuser tout net le recours aux auto-entrepreneurs dans nos secteurs, car ce recours est quasi systématiquement abusif.

Rapport à charge de l’OIT sur le travail atypique

Le dernier rapport de l’Organisation internationale du travail (Agence de l’ONU), paru le 15 novembre 2016 constate la montée de l’emploi atypique dans de nombreux pays industrialisés : le travail à temps partiel subi, l’intérim, les CDD, les contrats saisonniers, la sous-traitance, mais aussi les faux travailleurs indépendants. Les femmes, les jeunes et les migrants constituent les catégories de la population les plus concernées. L’OIT dénonce le développement de relations du travail déguisées, qui consistent à « donner une apparence différente de la réalité afin d’annuler ou de diminuer la protection assurée par la loi ». Pointant les dangers liés à la transformation de l’emploi induite par le numérique, elle épingle la responsabilité des plateformes et l’usage hypocrite des contrats commerciaux ou coopératifs qui peuvent lier un travailleur à un employeur, quand celui-ci dirige l’activité du travailleur « d’une façon incompatible avec son statut de travailleur indépendant ». Le rapport enregistre une multiplication des contentieux autour de la requalification de ces contrats soi-disant « commerciaux » en contrats de travail salarié. L’emploi atypique entraîne une dégradation des conditions de travail (emploi, gains, horaires et durée du travail, sécurité et santé au travail, Sécurité sociale, formation, représentation et droits fondamentaux au travail. « Nous devons nous assurer que tous les emplois procurent aux travailleurs un revenu stable et suffisant, une protection contre les risques professionnels, une protection sociale et le droit de se syndiquer et de négocier collectivement », estime Deborah Greenfield, directrice adjointe de l’OIT « et que les employés connaissent l’identité de leurs employeurs » (article sur le rapport de l’OIT paru dans l’Humanité du 18/11/2016).

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