Un soutien efficace
Le 26 septembre dernier, nous avions rencontré le député Pierrick COURBON suite à nos actions d’information en direction de membres de la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée Nationale. La commission ayant été largement modifiée après la dissolution et l’excellent rapport DESCAMPS-FOLEST sur l’enseignement privé lucratif, qui partageait nombre de nos analyses, risquait fort de passer aux oubliettes. Le député COURBON nous a informé de sa récente intervention lors de la semaine de contrôle à l’Assemblée Nationale sur l’accès à l’enseignement supérieur. Ci-dessous le verbatim de l’intervention :
Le verbatim
Nous examinons ce rapport dans un contexte de lourdes difficultés budgétaires pour les universités. La mobilisation inédite des présidents d’université qui se sont « invités » dans le bureau du ministre la semaine dernière, en dit long sur leurs inquiétudes face à des budgets désormais impossibles à boucler.
Pour qu’il y ait « accès à l’enseignement supérieur », encore faut-il qu’il y ait un enseignement supérieur, et si possible de qualité. Alors que 4 universités sur 5 risquent de terminer l’année en déficit, les responsables universitaires nous alertent sur une situation de quasi faillite de l’enseignement supérieur public.
C’est le résultat des choix budgétaires des dix dernières années : alors que 600 000 étudiants supplémentaires entraient dans l’enseignement supérieur, les budgets des universités n’ont pas suivi. Le résultat, c’est un taux d’encadrement qui a chuté de 10% entre 2012 et 2019.
Ce rapport, comme d’autres avant lui, établit pourtant que « la réussite en licence dépend aussi du niveau et des modalités d’encadrement » et que « la réussite est corrélée au taux de dépense par étudiant ».
L’avenir risque d’être encore plus sombre, au regard des orientations du gouvernement Barnier. Les universités pourraient ainsi être contraintes à des choix délétères, comme la fermeture d’antennes dans les villes moyennes ou l’augmentation significative des frais d’inscription.
Alors que le rapport fait déjà état de déterminismes forts, liés à l’origine sociale ou géographique, voire d’une autocensure chez les jeunes éloignés des grands centres urbains, de telles mesures éloigneraient d’autant la perspective d’une réelle égalité d’accès au supérieur.
Aussi, la question des moyens me semble décisive. Les auteurs l’abordent dans leur 10e préconisation en proposant « d’allouer des moyens supplémentaires là où ils font défaut » pour répondre à la problématique des filières en tension. C’est effectivement une proposition pertinente, mais qui mériterait d’être étendue à toutes les universités où « les moyens font défaut » … c’est-à-dire presque toutes.
Une autre conséquence, tout aussi inquiétante, c’est l’essor de l’enseignement privé lucratif. La part du secteur privé dans le supérieur est ainsi passée de 15% des effectifs étudiants dans les années 2000, à 26 % en 2024. Et c’est en grande partie le privé lucratif qui explique cette progression, puisqu’il accueillerait aujourd’hui 15% des étudiants à lui seul.
Or, comme le démontre le rapport d’information de nos collègues Béatrice DESCAMPS et Estelle FOLEST, le foisonnement de cette offre du privé lucratif n’est pas toujours synonyme de qualité, loin s’en faut.
Il donne lieu à une prolifération de diplômes aux dénominations exotiques (bachelors, mastères…) mais non reconnus, et dont la qualité de formation n’est pas garantie. Pire, la DGCCRF fait état d’anomalies dans plus de 56% des établissements contrôlés, pouvant aller jusqu’à des escroqueries sur les diplômes ou les droits d’inscription.
Et pourtant ces établissements parviennent à capter de l’argent public, via la certification Qualiopi ou les collectivités territoriales par exemple, dont l’enseignement supérieur de qualité manque cruellement.
La 7e préconisation du rapport de MM. CAZENAVE et DAVI appelle ainsi à mieux contrôler la « qualité des formations présentes sur Parcoursup, notamment celles privées hors contrat », avec « exclusion de la plateforme en cas de manquements ». La recommandation n° 14 de Mmes DESCAMPS et FOLLET va un peu plus loin et invite à « en exclure les formations n’ayant pas fait l’objet de contrôles garantissant des qualités pédagogiques ».
Cela ne résoudra pas tout, puisque la stratégie assumée par nombre de ces établissements est de s’afficher « hors Parcoursup », en surfant sur le caractère anxiogène et peu transparent de cette plateforme.
Pour mieux armer les futurs étudiants face à ces vendeurs de rêve – dont les promesses sont rarement tenues – il faut non seulement réformer en profondeur Parcoursup, mais aussi doter les élèves de réelles compétences à s’orienter.
Vous formulez ainsi, Messieurs les rapporteurs, plusieurs propositions en ce sens, visant en particulier à « garantir l’effectivité des 54 heures » d’orientation dans le secondaire.
Les défenseurs de Parcoursup mettent en avant, à raison, le fait qu’il a corrigé certains défauts de la précédente plateforme (APB). Pour autant la situation actuelle est loin d’être satisfaisante, avec 83% des jeunes qui le considèrent « stressant » et seulement 28% qui le pensent « juste ».
Comme l’évoque la 6e proposition, il faut évidemment revoir « certains critères comme les lettres de motivation ou le lycée d’origine », dont le principal effet est de renforcer les déterminismes sociaux et géographiques. Je m’interroge d’ailleurs sur le fait que cette préconisation, de bon sens, déjà présente dans le rapport de Régis JUANICO et Nathalie SARLES de 2020 n’ait pas été appliquée…
Face à un constat largement partagé d’un « gâchis collectif », les 10 préconisations de ce rapport vont dans le sens d’une refonte et d’une clarification du système d’orientation qui peut (doit) faire consensus. Mais la plupart de ces propositions auront un coût budgétaire. Est-ce que celles et ceux qui les soutiennent aujourd’hui voteront avec nous demain les crédits nécessaires à leur mise en œuvre ?