E-artsup : « école » ou « agence d’intérim » ?

La course aux contrats d’alternance

 

La concurrence exacerbée entre les poids lourds du secteur et la saturation du marché conduit les directions des entreprises, pardon des « écoles », à toujours plus d’invention pour trouver des stages à leurs élèves et surtout leur procurer des contrats d’alternance.

Un des effets pervers de la manne de l’alternance ouverte sans compter au supérieur privé lucratif réside dans le fait que les « prospects » refusent de s’inscrire en « mastère » sans bénéficier de « l’avantage », tant promu comme argument commercial, d’études financées et rémunérées via ce dispositif de captation des fonds publics au service des intérêts privés. L’open bar de l’alternance a permis aux grands groupes de la formation et de l’enseignement privés d’atteindre une rentabilité stratosphérique avec l’accélérateur de la période covid où les aides publiques, destinées aux organismes de formation pour pallier la crise sanitaire, furent rehaussées et surtout non régulées. La « contrepartie », notion chère au jargon néo-libéral, de ce phénomène est l’accélération de la dépendance aux fonds publics — avec des groupes dont l’effectif étudiants est constitué de près de 40% d’apprentis en 2022-2023—, du gonflement de la bulle et d’une concurrence au placement des « étudiants-clients », des « étudiants-prospects » dans un marché saturé d’offres de formations.

Après la concurrence aux stages des « Bachelors » vient celle du placement des alternants en « mastères ». Naguère, une entité du groupe Ionis comme e-artsup a facilité le placement de ses élèves en programmant sa période de stage en milieu d’année académique (janvier-mars) et non en fin comme ses concurrents. Une nouvelle « astuce » est à l’épreuve afin de pallier aux effets de la concurrence et surtout au désintérêt des entreprises pour accueillir des étudiants souvent mal formés et devant s’absenter pour suivre leurs cours dits théorique.

La martingale consiste pour une école à proposer une sélection d’élèves formés aux outils spécifiques d’une tâche de production et restant à 100% dans l’entreprise d’accueil. Les tâches en question sont en grande partie définies par cette entreprise, qui élabore ainsi un véritable cahier des charges à destination de l’école.  La « formation école » étant assurée par de « l’enseignement à distance » hors temps de travail, dans l’entreprise d’accueil ou « ailleurs » (et non plus dans l’école), et par un salarié de l’entreprise hospitalière qui devient membre de l’équipe pédagogique via un contrat de prestataire extérieur, une simple facturation.

En bref, l’école, soit l’organisme de formation originel, se transforme en agence d’intérim qui place une main d’œuvre sélectionnée pour accomplir une tâche de production précise et dédiée tout en reversant une quote-part du financement de l’OPCO à un salarié de l’entreprise d’accueil. Cette formation interne, où le tuteur est rémunéré en plus de son salaire par une entreprise extérieure, doit permettre la parfaite adaptation de l’alternant au processus de production. Quant aux pseudo-alternants, ils deviennent de fait des salariés à plein temps rémunérés en-dessous du SMIC. Un tel accord « disruptif », transformant le contrat d’alternance en contrat à temps plein, est expérimenté cette année entre e-artsup  et ANKAMA avec la bénédiction de l’OPCO AKTO !

Ce bricolage, n’en doutons, fera des émules. Il suscite néanmoins plusieurs interrogations : Quel est le rôle d’un organisme de formation qui ne forme plus ? Jusqu’à quand les entreprises d’accueil utiliseront cette nouvelle forme d’agence d’intérim avant de créer leur propre CFA ? Comment l’OPCO a-t-il pu valider un tel montage sans véritable alternance pouvant relever du travail dissimulé ? Quid de Qualiopi ? Que font les autorités de tutelle, le ministère du travail et France compétences ? Une nouvelle armée d’intérimaires low-cost condamnés à être remplacés chaque année par une nouvelle vague n’est-elle pas « en marche » ?

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