PROPULS’UP : De la prédation des aides publiques

Une « société exemplaire »

 

Le principe frauduleux est simple : un CFA bénéficiant de la manne du financement public est doublé par une entreprise recruteuse d’alternants qui perçoit les primes d’embauche. La seconde entité assure le développement commercial de la première. Cette organisation permet de profiter de l’intégralité du nouveau système législatif de l’apprentissage. Victime idéale, un public défavorisé et peu informé est visé.

En 2020 la société se spécialise dans l’apprentissage en enseignement supérieur dans un contexte où un grand nombre d’organismes de formation se créent avec l’ouverture du marché de l’apprentissage à tout acteur privé (Loi sur l’avenir professionnel n° 2018-771 du 5 septembre 2018). La période covid fait office d’accélérateur où les aides publiques, destinées aux organismes de formation pour pallier la crise sanitaire sont rehaussées et surtout non régulées.

La société PROPULS’UP saisi cet effet d’aubaine en se consacrant exclusivement à des formations par apprentissage tout en misant sur une croissance organique. Elle multiplie ainsi les recrutements de jeunes, surtout sous la période épidémique car chaque inscription donne droit automatiquement à des aides publiques sans contrôle a priori ou a posteriori.
 Cette situation engendre une masse financière considérable pour la société alors qu’elle est dispensée des frais de fonctionnement et des obligations pédagogiques classiques qui incombent à un CFA dans un contexte sanitaire spécifique :

        • pas d’obligation d’accueillir des étudiants (télétravail) ;
        • pas d’obligation de fournir des locaux et du personnel ;
        • pas d’obligation d’accompagnement des jeunes pour la recherche d’entreprise.

Certaines de ses opérations sont externalisées au Maroc afin de réduire les frais de fonctionnement.

Pour mener avec succès sa stratégie de pénétration du marché national, la société recrute via sa filiale ses propres étudiants comme apprentis à qui elle confie des tâches de prospection commerciale et de démarchage, normalement dévolues à des salariés. Dans le même temps, ces jeunes ne bénéficient aucunement d’une vraie formation professionnelle comme l’exige leur diplôme étant donné que leurs missions se bornent à du démarchage. La société recrute également des étudiants issus d’établissements extérieurs en recherche de stage de fin d’année à qui elle ne confie que des tâches de prospection sans lien avec leur formation.

À chaque étape de son développement, la société PROPULS’UP crée un nouvel établissement secondaire et un établissement chargé « d’accueillir » les alternants sous l’appellation EBM BUSINESS SCHOOL. Le nombre maximum d’établissements de la société PROPULS’UP immatriculés ou en voie d’immatriculation étant de 27, il est fort possible que le nombre d’EBM créés suit cette croissance.

Le public d’étudiants visé par la société PROPULS’UP est spécifiquement un public de jeunes issus de quartiers populaires hors Parcours’up. Ils sont tous issus d’Afrique du Nord et subsaharienne. Pour ce faire, les établissements de la société sont tous compris dans ou à proximité de quartiers communautaires. Ce public, décrocheur, et défavorisé est par nature sensible aux arguments de la société qui : se présente comme une école soucieuse de démocratiser les études supérieures propices à une élévation sociale (auprès d’un public aux conditions sociales inférieures) ; encourage la diversité, le multiculturalisme (pour un public communautarisé) ;
 vante l’apprentissage comme une voie d’excellence pour se former tout en étant rémunéré (pour un public précarisé) ; garantie le placement en entreprise grâce à son prétendu réseau (pour un public dénué de relations) ; accepte tout candidat sans la moindre sélection : avoir une entreprise n’est pas un critère exigé (critère exigé dans tous les organismes de formation) pour intégrer l’établissement et accepte d’inscrire des classes entières composées d’étudiants sans entreprises (pour un public non éligible).

Ces différents arguments lui permettent de drainer un nombre considérable de jeunes et par conséquent les aides publiques. Il est à noter que le site internet de PROPULS’UP, contrairement aux obligations légales, ne mentionne aucune information chiffrée sur le niveau de performance et d’accomplissement de la prestation ; aucune diffusion des indicateurs du taux d’obtention des diplômes ou titres professionnels ; aucune indication du taux de poursuites d’études ; aucune indication du taux d’interruption en cours de formation ; aucune information du taux d’insertion professionnelle des sortants de l’établissement à la suite des formations dispensées. Ceci étant « justifié » par la mention : L’activité commençant, nous ne pouvons pas encore diffuser d’indicateurs.
 Une formule bien pratique pour dissimuler l’échec de promotions entières aux examens accompagné de démissions anormalement élevées des étudiants en cours d’année. Et cela, sans compter les départs massifs de formateurs et de salariés des établissements contraignant la société, chaque année, à renouveler son personnel et ses « collaborateurs » dans sa quasi-intégralité. La misère sociale facilitant malheureusement le renouvellement de la cohorte des exploités.

PROPULS’UP est l’exemple qui cristallise toutes les dérives de la privatisation de la formation professionnelle, de l’alternance. Que font les certificateurs Qualiopi et France compétences ? Les services de l’État et des collectivité territoriales ?

N.B. : le dossier a été transmis aux DRIEETS compétentes, celle d’Île-de-France est la première à le traiter.

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