Directive européenne : Prise en compte des salariés en contrats aidés dans le calcul des effectifs de l’entreprise en matière de représentation du personnel.
Marianne GIRIER
Pôle DLAJ confédéral
Alors que des droits collectifs des salariés et des obligations de l’employeur se déclenchent à partir d’un certain nombre de salariés dans l’entreprise, le calcul des effectifs ne prend pas en compte certains salariés. L’article L. 1111-3 du code du travail visait jusqu’ici les salariés en contrats aidés (contrat unique d’insertion initiative-emploi ou d’accompagnement dans l’emploi), en plus des apprentis et des salariés en contrats de professionnalisation. Il s’agit clairement d’une mesure permettant aux employeurs de ne pas atteindre ces seuils et de ne pas avoir à respecter les obligations qui en découlent.
L’exclusion de ces salariés du calcul de l’effectif en matière de représentation du personnel est contraire au droit de l’Union européenne qui garantit le droit fondamental à l’information et à la consultation des « travailleurs », sans aucune distinction selon le statut dans l’entreprise de ces travailleurs.
Une récente décision du tribunal administratif de Paris suivie d’une intervention législative a permis partiellement de mettre le droit français en conformité au droit de l’Union européenne.
À l’origine du contentieux, l’Union locale CGT des quartiers nord de Marseille a désigné un représentant de la section syndicale dans une entreprise de 170 salariés en contrats aidés mais de moins de 50 salariés « effectifs » au sens du code du travail permettant la désignation.
Les contrats de travail exclus de l’effectif sont en nombre considérable et ne sont pas sans conséquences sur les droits des salariés conditionnés à des seuils d’effectif.
Saisie par la Cour de cassation, la Cour de Justice de l’Union européenne a jugé l’article L. 1111-3 contraire à la directive européenne de 2002 portant sur le droit à l’information et à la consultation des travailleurs. Or, cette directive n’a pas été transposée par la France, ce qu’elle aurait pourtant dû faire en 2005 au plus tard, et ne peut être invoquée directement dans un litige entre particulier.
On se retrouvait donc avec une législation manifestement non conforme au droit de l’UE mais qui devait être appliquée.
Afin de contraindre l’État à y remédier, les confédérations CGT, Solidaires et CGT-FO ont engagé un recours en indemnisation devant le tribunal administratif de Paris. Dans sa décision du 17 juillet 2018, celui-ci reconnaît la responsabilité de l’État du fait de l’adoption d’une loi en méconnaissance du droit de l’Union européenne. Le jugement résonne comme un cinglant désaveu à l’égard de l’État, en particulier des gouvernements successifs ayant refusé d’appliquer le droit européen relatif à la participation des travailleurs pour le calcul des effectifs en matière de représentation du personnel.
Bien que cela représente assurément une avancée dans le respect du droit européen par le droit français, le Gouvernement a opté pour une mise en conformité partielle et minimale. En effet, le Conseil d’État rappelle qu’au regard de l’arrêt de la CJUE les apprentis et les salariés en contrat de professionnalisation devraient également être pris en compte dans les effectifs, alors que seuls les salariés en contrats aidés se sont vus inclus par la loi de septembre 2018.
Par ailleurs, les salariés en contrats aidés restent exclus des effectifs en matière de désignation des délégués syndicaux, de négociations obligatoires, de mise en place d’un PSE ou encore du calcul des indemnités sans cause réelle et sérieuse. Cette exclusion doit continuer à être combattue, même si, à la différence de l’exclusion en matière de représentation du personnel, aucune réglementation du droit international n’est violée.
La CGT réclame que tous les salariés employés par l’entreprise soient considérés comme des salariés à part entière, non seulement en matière de droit de la représentation du personnel mais également pour tous les droits liés à l’effectif de l’entreprise.