Capital décès refusé : Notre position était légitime

Leçon n°1

Le jugement du 28 avril 2022 dans le dossier du capital décès non servi aux ayants droit d’un salarié d’un organisme de formation conforte la position du syndicat. Notre engagement à accompagner la famille dans l’intérêt de l’ensemble des salariés était pleinement justifié.

Rappel

Un salarié de l’institut de formation transport IFRAC, décède en août 2018. La famille se tourne en octobre 2018 vers l’entreprise qui apparaissait comme l’assureur (à la vue de la notice). Elle fournit les documents pour le versement de la prévoyance. Conformément aux dispositions conventionnelles, il était attendu le capital décès et la rente éducation pour ses deux enfants (plus de 200 000 €, montant estimé en cas de poursuite des études).
Le 5 novembre 2018, le navire « amiral » de la nébuleuse IFRAC est mis en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Bobigny. Commence alors un incroyable marathon avec une multiplicité d’interlocuteurs partageant le même comportement : le refus de répondre et la défausse.
Alertée en février 2019, la section SNPEFP IFRAC se mobilise dans toutes les directions. Son activisme, notamment par des articles dans « Miroir Social », contraint l’assureur GRESHAM et son actionnaire à rompre le silence. Dans leurs réponses, ils affirment que le paragraphe 5 de l’article L.113-3 du Code des assurances qui interdit la résiliation pour impayé d’une assurance obligatoire ne peut s’appliquer. Pour eux, cette interdiction ne concerne que les assurances recommandées par les partenaires sociaux.

Position de notre syndicat

À la suite de ces prises de position, notre syndicat saisit la CPPS de la branche afin que cette dernière s’investisse. Le dossier est emblématique. Il est demandé dans l’intérêt de l’ensemble des salariés une prise en charge des frais de procédures. Le dossier a été longuement examiné lors de la CPPS du 18 juin 2019.
« Partant de l’idée que le contrat de prévoyance est hors recommandation, la CPPS a considéré qu’elle ne pouvait intervenir en aucune façon ». Au contraire, notre syndicat considérait que le dossier concernait « l’ensemble des salariés de la branche des OF avec pour enjeu la sécurité du service de prestations de la Prévoyance et la protection sociale appropriée » (lettre du syndicat en date du 21 juin 2019).
Mis en minorité, le syndicat a malgré tout maintenu son engagement. Nous avons alerté les parlementaires et sommes intervenus volontairement dans la procédure prud’homale. Le congrès d’octobre 2019 a entériné cette position.

À contre-pied de l’assureur et du ministère

Contre toute attente, le conseil de prud’hommes dans sa décision du 28 avril n’a pas suivi la position commune de l’assureur et du ministère des finances (réponse ministérielle aux questions des parlementaires sollicités par notre syndicat) à propos de l’article L.113-3 du Code des assurances.
« Si l’invalidation des clauses de désignation par le conseil constitutionnel a pu modifier l’équilibre général de la législation afférente aux régimes obligatoires conventionnels de prévoyance, il appartient au législateur et non au juge de pourvoir aux évolutions législatives.
Le texte susvisé n’exprime ou ne sous-entend aucune distinction relative aux modalités de désignation de l’assureur. Il ne formule de façon claire et non ambiguë l’existence d’une unique condition, à savoir le caractère obligatoire de l’adhésion au contrat en application de dispositions conventionnelles. Il ne saurait en conséquence donner lieu à l’interprétation soutenue par l’assureur, laquelle reviendrait à ajouter au texte une condition d’application auquel il ne fait ni référence ni allusion.
Il serait jugé en conséquence que l’alinéa 5 de l’article L.113-3 du Code des Assurances trouvait à s’appliquer dans le cas d’espèce, et que dès lors l’assureur ne pouvait pas procéder à la résiliation du contrat en raison du défaut de paiement des primes par l’assureur. »
L’assureur doit prendre en charge le capital décès mais pas la rente éducation non souscrit par l’employeur.

Accumulation de dysfonctionnements

Le conseil des Prud’hommes a implicitement donné raison à la position de la CGT. La Branche ne pouvait faire sienne l’interprétation de l’assureur.
« Le paritarisme est financé par l’ensemble des salariés de la Branche qu’ils appartiennent ou pas à un régime de prévoyance recommandé ».
Et ce d’autant qu’il y a un problème de fond avec les assurances obligatoires. Le salarié est l’assuré mais le contractant est l’employeur. Ce qui crée un déséquilibre que les partenaires sociaux ne peuvent occulter.
Le dossier a révélé une accumulation de dysfonctionnements qui ne découlent pas seulement d’une différence d’interprétation de la réglementation. Dans l’intérêt de l’ensemble des salariés, la Branche se devait de les instruire.

Prochains articles : « Courtage et assurance obligatoire : des contrats non conformes et un risque pour les salariés » ; « Assurance obligatoire : une réglementation insuffisante » ; « Assurance obligatoire après un dépôt de bilan »

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