Propriété intellectuelle et Droit à l’image : Gare aux abus

Non à la dépossession des salariés !

 

En cette rentrée, les écoles de l’enseignement privé indépendant et organismes de formation, inspirés par le confinement font preuve d’imagination pour s’accaparer le fruit des travaux des enseignants et formateurs. Il y a un réel danger de spoliation.

Ci-après, l’avenant à un contrat de travail (avec nos commentaires) organisant la dépossession des salariés.

Un seul réflexe, ne signez rien sans vous rapprocher du SNPEFP-CGT !

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ARTICLE – CLAUSE DE PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE ET DROIT À L’IMAGE

Le salarié reconnaît expressément que :

— L’intégralité des cours, des supports de cours et des outils pédagogiques sont définis selon un ordonnancement relevant des choix pédagogiques de l’école XXX.

Commentaire :

Pour que le salarié reconnaisse « expressément » ce qui est mentionné, cela signifie tacitement que l’école communique sur l’ordonnancement et les choix pédagogiques qui sont les siens. Il est donc nécessaire que ceux-ci soient fournis par écrit à chacun des enseignants. En l’absence d’un tel document, comment reconnaître ce qui n’existe pas ?

— Dans le cadre de la réalisation des cours, il adopte des méthodes pédagogiques selon des techniques d’animation prédéterminées par l’école XXX.

Ainsi, le programme, les supports de cours, les méthodes d’enseignement ou encore les techniques particulières de pédagogie restent la propriété pleine et entière de l’employeur qui dispose, à ce titre, de l’exclusivité des droits d’exploitation et de diffusion pour toute la durée du présent contrat de travail.

Commentaire :

De la même manière où sont décrites les méthodes pédagogiques propres à l’école ? Comment les salariés sont-ils formés à ces méthodes et surtout aux techniques d’animation prédéterminés dont il est fait mention. Si celles-ci font effectivement l’objet d’une appropriation de la part des salariés et leur sont fournies par l’école, on peut leur opposer. Dans le cas contraire, il est impossible de s’engager sur ce point.

Dans cette intention, le salarié donne à l’École XXX, ses représentants et toute personne agissant avec leur permission pour :

— la captation, la fixation, la reproduction, la diffusion, la publication et/ou l’exploitation de sa voix et de son image.

Commentaire :

À supposer que les exigences posées par les deux remarques précédentes soient remplies, une permission pour la captation, la fixation, la reproduction, la diffusion, la publication et/ou l’exploitation de la voix et de l’image ne peut être générale. De plus elle obéit aux critères définis par le RGPD (règlement général sur la protection des données).

CE QUE DIT le RGPD

(Source : https://www.cnil.fr/fr/conformite-rgpd-comment-recueillir-le-consentement-des-personnes)

Le consentement est défini comme « toute manifestation de volonté, libre, spécifique, éclairée et univoque par laquelle la personne concernée accepte, par une déclaration ou par un acte positif clair, que des données à caractère personnel la concernant fassent l’objet d’un traitement ».

Les critères de validité du consentement ?

4 critères cumulatifs doivent être remplis pour que le consentement soit valablement recueilli. Le consentement doit être :

1. Libre : le consentement ne doit pas être contraint ni influencé. La personne doit se voir offrir un choix réel, sans avoir à subir de conséquences négatives en cas de refus.

Le caractère libre du consentement doit faire l’objet d’une attention particulière dans le cas de l’exécution d’un contrat, y compris pour la fourniture d’un service : refuser de consentir à un traitement qui n’est pas nécessaire à l’exécution du contrat ne doit pas avoir de conséquence sur son exécution ou sur la prestation du service.

2. Spécifique : un consentement doit correspondre à un seul traitement, pour une finalité déterminée. Dès lors, pour un traitement qui comporte plusieurs finalités, les personnes doivent pouvoir consentir indépendamment pour l’une ou l’autre de ces finalités. Elles doivent pouvoir choisir librement les finalités pour lesquelles elles consentent au traitement de leurs données.

3. Éclairé : pour qu’il soit valide, le consentement doit être accompagné d’un certain nombre d’informations communiquées à la personne avant qu’elle ne consente.

Au-delà des obligations liées à la transparence le responsable du traitement devrait fournir les informations suivantes aux personnes concernées pour recueillir leur consentement éclairé :

          • l’identité du responsable du traitement ;
          • les finalités poursuivies ;
          • les catégories de données collectées ;
          • l’existence d’un droit de retrait du consentement ;
          • selon les cas : le fait que les données seront utilisées dans le cadre de décisions individuelles automatisées ou qu’elles feront l’objet d’un transfert vers un pays hors Union Européenne.

4. Univoque : le consentement doit être donné par une déclaration ou tout autre acte positif clairs. Aucune ambiguïté quant à l’expression du consentement ne peut demeurer. Les modalités suivantes de recueil du consentement ne peuvent pas être considérées comme univoques :

          • les cases pré-cochées ou pré-activées ;
          • les consentements « groupés » (lorsqu’un seul consentement est demandé pour plusieurs traitements distincts) ;
          • l’inaction (par exemple, l’absence de réponse à un courriel sollicitant le consentement).

Le RGPD n’a pas modifié substantiellement la notion de consentement. Il a en revanche clarifié sa définition et l’a renforcé, en l’assortissant de certains droits et garanties :

          • Droit au retrait : la personne doit avoir la possibilité de retirer son consentement à tout moment, par le biais d’une modalité simple et équivalente à celle utilisée pour recueillir le consentement (par exemple, si le recueil s’est fait en ligne, il doit pouvoir être retiré en ligne également).
          • Preuve du consentement : le responsable du traitement doit être en mesure de démontrer à tout moment que la personne a bien consenti, dans des conditions valides.

Pour ce faire, les responsables du traitement doivent documenter les conditions de recueil du consentement. La documentation doit permettre de démontrer :

          • la mise en place de mécanismes permettant de ne pas lier le recueil du consentement, notamment à la réalisation d’un contrat (consentement « libre ») ;
          • la séparation claire et intelligible des différentes finalités de traitement (consentement « spécifique » ou « granularité du consentement ») ;
          • la bonne information des personnes (consentement « éclairé ») ;
          • le caractère positif de l’expression du choix de la personne (consentement « univoque »).

Les responsables du traitement peuvent notamment tenir un registre des consentements, qui peut s’insérer dans la documentation plus générale de l’organisme.

— La diffusion de ses cours dans leur intégralité ou sous forme d’extrait pour les mettre à disposition des élèves via le réseau extranet de l’école XXX.

Le salarié est informé que son autorisation ne concerne que les séances de cours réalisées pendant la durée du contrat de travail et se limite à l’utilisation des enregistrements à des fins pédagogiques.

Commentaire :

Il conviendrait de mettre des limites à la multidiffusion de ces enregistrements et de prévoir des cas de recours spécifiques. Comme par exemple : diffusion possible qu’une fois en cas de confinement imposant la continuité pédagogique et disponible 15 jours maximum après sa mise en ligne. Non réutilisable par la suite.

— Le salarié confirme que son autorisation est donnée en connaissance de cause sans contrepartie et reconnaît ne pas prétendre à une réparation d’un préjudice

Commentaire :

Les enseignants et formateurs savent tous qu’on ne prépare pas un cours qui sera « capté » puis diffusé de la même manière qu’un cours en présentiel. Pour le moins, il faut prévoir une rémunération majorée pour les cours enregistrés. De plus, il est abusif d’exiger d’un salarié, « partie faible » au contrat de travail de renoncer par avance à la réparation d’un préjudice dès lors que les clauses de l’avenant n’auraient pas été respectées.

En résumé : refusez de signer !

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