Modèles vivants et « digitalisation » de l’enseignement

Les dérives de la financiarisation de l’enseignement supérieur privé lucratif

 

Dans son « Adresse à la direction de Penninghen », le collectif des modèles vivants adhérents au SNPEFP-CGT a dénoncé l’incompatibilité du dessin de nu académique avec l’enseignement en ligne.

Dans les grands groupes de l’enseignement supérieur privé, la mode est au « bimodal » ou « comodal », cours dispensé simultanément en « présentiel » et en « distanciel » permettant l’ubiquité de l’enseignement et bien sûr les économies d’échelle (idéalement réduire le prix de plusieurs cours à un seul, s’approprier les contenus, limiter le nombre d’enseignants, toucher un public éloigné des « campus » ou regroupements immobiliers, conquérir de nouveaux marchés). Le covid 19 ne fait qu’accélérer cette funeste tendance. N’en doutons pas, la diffusion en directe (synchrone) prépare la rediffusion (asynchrone) avec toutes les dérives conduisant à la dégradation du métier d’enseignant, de l’enseignement lui-même réduit à un produit et à sa marchandisation.

L’intervention des modèles vivants dans la défense de leur métier et de la promotion d’un statut (relayé par M. le Député André CHASSAIGNE auprès du ministre de la culture) révèle, via l’enseignement du dessin et de sa pratique, les dérives de la « digitalisation » ou numérisation, au service de la financiarisation de l’enseignement privé lucratif.

Hormis le déséquilibre de qualité humaine et pédagogique entre un suivi de cours réel et de sa projection sur écran relevant de la phénoménologie, un tel dispositif pose en effet les problèmes :

      • du droit à l’image ;
      • du droit d’auteur ;
      • de la rétribution de la démultiplication du cours en directe ;
      • d’une future captation pour multidiffusion en différé dans l’espace et dans le temps ;
      • d’un cours capté pour être ensuite scénarisé et rejoué par un acteur ;
      • d’une différence de traitement entre les élèves bénéficiant du cours réel et ceux simples spectateurs de son image filmée ;
      • d’un enseignement dégradé sous la contrainte technique de la captation de l’image et du son (déplacements, lumières, élocution, etc.), de devoir faire face simultanément aux questions orales des élèves et à celles transmises par clavardage (chat) ;
      • de transformer l’enseignant en animateur d’un cours-spectacle ;
      • de donner un cours sous le regard permanent de la direction ou de ses représentants ;
      • du piratage de ses cours et de son image, etc.

Le problème de l’enseignement du dessin d’après modèle vivant cristallise l’ensemble de ces problèmes relevant certes de la phénoménologie mais plus généralement de la marchandisation de l’enseignement. En ce sens, Penninghen TV est la caricature de ce phénomène où l’enseignement ne pourrait plus passer que par le truchement d’un écran. Dans un scientisme de mauvais aloi, la réforme, « l’évolution » permet « d’offrir une interface pour appréhender le réel dans un monde digitalisé ». Elle est vendue, d’une part comme une amélioration des conditions d’enseignement « Tout a été conçu pour que la technologie ne soit pas vécue comme une contrainte par l’enseignant mais qu’elle soit au contraire garante du bon déroulement de son cours », d’autre part d’une nouvelle expérience sensorielle pour l’élève « En pratiquant le cours tantôt à distance tantôt physiquement, il s’agit pour chaque étudiant de développer une perception hybride de la réalité et une compréhension poussée de l’espace et du temps ».

On croit rêver ! Non c’est simplement l’évolution caricaturale de Penninghen sous l’emprise de Galileo Global Education, champion de la financiarisation de l’enseignement supérieur privé.

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