PRÉVOYANCE : faut-il se méfier du courtage ?

Choix de l’assureur et Capital décès.

Choix de l’assureur

Jusqu’en 2013, le monde du courtage était très opposé au mécanisme qui existait pour le choix de la Mutuelle ou la Prévoyance des salariés, à savoir : la DÉSIGNATION. Il permettait juridiquement aux partenaires sociaux des branches d’imposer un organisme assureur que toutes les entreprises devaient impérativement rejoindre sous peine de contentieux. En limitant le libre choix des entreprises, le rôle des courtiers dans les branches concernées était réduit. En 2013, le Conseil constitutionnel a, en synthèse, jugé que les clauses de désignation étaient contraires à la liberté contractuelle. Le mécanisme a donc été remplacé par la RECOMMANDATION. Elle n’a rien de contraignante pour les entreprises. Ce dispositif est prévu à l’article L912-1 du code de la sécurité sociale ici. Si elle laisse plus de place à la liberté des entreprises, la RECOMMANDATION peut quand même être un vrai atout pour un organisme assureur. Pour les entreprises, au-delà de la garantie d’avoir le tarif prévu par les partenaires sociaux, il y a parfois d’autres avantages comme le bénéfice des prestations de solidarité prévue par la branche. Pour choisir une autre mutuelle ou organisme de Prévoyance que ceux recommandés par la Branche, l’employeur a recours au courtier… ce qui pourrait, sans correctif, en l’état du dossier, être préjudiciable aux salariés.

Tel est l′enjeu du dossier du Capital décès non versé.

Courtage ou Recommandation ?

Le dossier du Capital décès pose bien entendu la question de l’interprétation de l’article L113-3 ici du Code des Assurances. Mais il y a lieu aussi de s’interroger sur le rapport des courtiers avec les salariés au sein des Branches. Les partenaires sociaux doivent se demander si dans certaines situations en Assurance collective, le COURTAGE par rapport à la RECOMMANDATION n’est pas préjudiciable aux salariés. Dans une même branche, la prise en compte et la gestion de la Prévoyance peuvent être radicalement différente.

  • Le non-respect de la charte de l’assureur. Le courtier qui gère le contrat de Prévoyance peut faire l’impasse sur les engagements de l’assureur qu’il représente. GRESHAM s’engage à : proposer des produits clairs et non trompeurs ; effectuer les règlements des prestations dans des délais adaptés ; traiter les éventuelles réclamations avec diligence et attention. Principes qui n’ont pas été mis en œuvre par ASCORE GESTION durant les 8 mois de souffrance du dossier du capital décès non versé. L’assureur en RECOMMANDATION pourrait-il s’affranchir des principes qu’il met en avant ? La veuve a déposé le dossier le 11 octobre et c’est simplement le 24 mars que le refus lui a été notifié.
  • Une confusion des rôles. Tout laissait à penser qu’ASCORE GESTION était l’assureur tant par les documents remis aux salariés que par leur gestion de la Prévoyance. Ce n’est que fin mars que nous avons appris qu’en fait ASCORE GESTION n’était pas l’assureur mais le courtier. Cette confusion ne peut exister en RECOMMANDATION, il n’y a pas d’intermédiaire.
  • Le salarié est démuni. En COURTAGE, la Branche concernée n’est pas l’interlocuteur. Le salarié est cotisant mais non contractant. Il se retrouve démuni dans les défausses entre les différents interlocuteurs. D’ailleurs comme l’indique un spécialiste, l’article L113-3 est interprété (selon certains) différemment si l’on est en COURTAGE ou en RECOMMANDATION.
  • S’affranchir des obligations d’information. Comme le salarié n’est pas le contractant, le courtier prétend qu’il n’a pas à l’alerter d’une résiliation pour le détournement des cotisations par l’employeur.

Dans la même situation, le groupe Victor HUGO, assureur en direct de la Prévoyance d’une autre entité IFRAC a honoré les prestations alors que la durée des impayées a été plus longue et qu’il était hors du cadre de la RECOMMANDATION.

Courtiers et assureurs : la confusion

Les documents remis aux salariés et aux entreprises ne donnent pas une vision nette des engagements respectifs entre le courtier et l’assureur. Dans le cas du capital décès refusé, rien ne permettait de savoir qu’ASCORE GESTION n’était pas l’assureur. Pour ne pas faciliter les choses, les courtiers ne se limitent pas à leur rôle d’intermédiaire. Ils sont parfois tout à la fois gestionnaires des adhésions et des sinistres, quand ils ne distribuent pas carrément des contrats d’assurance en entretenant une certaine ambiguïté sur leur vraie nature1. Si juridiquement, le seul débiteur des prestations prévues par le contrat est l’organisme assureur, il reste que la confusion peut se retourner contre le courtier du fait de manquement dans le respect des obligations d’information qui pèsent sur les professionnels. On peut considérer qu’ASCORE GESTION du groupe AXELLIANCE-CIPRES a commis plusieurs fautes dont celle de ne pas avoir respecté la charte de GRESHAM Assurance qu’elle représentait.

En tout cas, cette confusion au détriment des salariés ne peut durer. Les courtiers dans le cadre de l’auto- régulation qu’ils négocient actuellement et le législateur doivent y mettre un terme.

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  1. Les courtiers ont aussi de temps en temps un rôle de partenaire important au niveau des branches. Ils conseillent les partenaires sociaux dans la mise en place et le pilotage des régimes (appel d’offres, etc.). Ce sont de gros marchés.
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